Un instant

Le metteur en scène Jean Bellorini part À la recherche du temps perdu de Marcel Proust et met en scène une pièce à deux voix. Du chef-d’œuvre littéraire il prélève un motif, telle une fréquence sonore qu’il soumet aux variations qu’apporte l’interprète qui la joue. À travers l’oubli et la déformation subie par les souvenirs qu’ils tentent de rappeler à eux et de partager, les interprètes font tour à tour resurgir les souvenirs de Proust et ceux de la comédienne Hélène Patarot, originaire du Viêtnam.

Entourés d’objets et de meubles scénographiés par Macha Makeïeff, accompagnés sur scène par le musicien Jérémy Peret, Hélène Patarot, complice de Peter Brook, et Camille de La Guillonnière, acteur fétiche de Jean Bellorini, interrogent les mécanismes de la mémoire. La pièce conserve les passages de l’enfance fragile de l’auteur auprès de sa mère et la relation tendre et profonde avec sa grand-mère, jusqu’à la mort de celle-ci, ainsi que son lien avec sa gouvernante Céleste Albaret. On y sonde le Proust métaphysique plutôt que le dandy mondain si bien que le récit-fleuve introspectif de Marcel Proust est mis au service de nouvelles histoires singulières, liées à celle d’Hélène Patarot, qui prennent sur scène une dimension collective et universelle.

Les deux acteurs cherchent ainsi à saisir les souvenirs qui jaillissent, telle la madeleine de Proust, dans l’évanescence d’un instant aussi puissant qu’éphémère, et participent, grâce au travail de la mémoire, à la transformation de la réalité en récit.